Les soins proposés aux patients s’appuient sur différents ‘outils thérapeutiques’, qui sont issus du courant de la Psychothérapie Institutionnelle, adaptés à la culture Yacouba et basés sur une intégration communautaire du centre dans le village de Trinlé-Diapleu.
« C’est le village qui soigne les malades …»

Le centre VH, situé à l’entrée du village, est construit à l’image d’un quartier traditionnel. il n’y a pas de clôtures, et l’équipe travaille sans blouses blanches. Les patients et leurs familles peuvent circuler librement dans le village et témoignent souvent de l’apaisement ressenti dans cette ambiance accueillante et familière, qui rappelle à beaucoup celle de leur village d’origine… La population du village est très accueillante, toujours dans la bienveillance, sans regards stigmatisants. Lorsqu’un patient se perd ou fugue, ce sont les jeunes du village qui le ramènent tranquillement.
La place essentielle des familles/accompagnateurs
Les patients sont toujours accompagnés d’un ou de plusieurs membres de leur famille. Ces accompagnateurs sont un support essentiel pour la vie quotidienne des malades (repas, lessive, douches), avec l’aide de l’équipe dans certaines situations. Chaque accompagnant est là avec un proche malade qu’il faut aider, et ainsi, naissent des complicités, des liens de solidarité et d’entraide, au-delà des appartenances ethniques et religieuses. Et cela leur permet de regarder autrement les maladies mentales, et de reprendre confiance au contact des anciens patients en voie de guérison. Le récit des accompagnateurs sur l’histoire des troubles, sur leurs caractéristiques et sur l’interprétation qu’ils en ont, est essentiel pour que l’équipe comprenne et prenne soin des patients. Et leur participation est indispensable pour réfléchir au projet de vie de leur malade avant sa sortie du centre.
Les activités qui rassemblent les patients, leurs familles et l’équipe
Le centre VH propose des activités qui rassemblent tous les habitants du centre : les patients, leurs accompagnateurs et l’équipe. Elles ne sont pas seulement occupationnelles mais font partie du soin : par des échanges, des relations amicales, par un souci collectif apporté aux patients en souffrance, elles permettent un apaisement et une réduction souvent rapide de leurs troubles.

Tous les matins a lieu la réunion du KWAMAM (« quelles sont les nouvelles? » en Yacouba). Cette ‘causerie du matin’ donne à chacun l’occasion de parler, l’animation est collective, les patients et les familles peuvent donner leur avis, des éclats de rire ponctuent souvent la réunion. Les nouveaux arrivants se présentent et sont accueillis par le groupe. Il y a aussi des annonces sur la vie du centre, les activités du jour, la personne de garde.
Les activités de l’après-midi sont décidées et organisées chaque semaine lors de la réunion du KOLOKOTA (« main dans la main » en Yacouba), qui réunit les malades, les accompagnateurs qui le souhaitent et des membres de l’équipe.
Des patients stabilisés peuvent être responsables de certaines activités : faire le tour pour appeler aux réunions ( « Griot »), accueillir et présenter le centre à un nouveau malade (« Yê Kô damin ») , réaliser une proposition validée par le groupe… Des accompagnateurs proposent souvent leurs compétences (instituteur, musicien, menuisier, peintre, etc.) pour soutenir les activités. Les familles peuvent enfin se reposer tandis que leur malade est occupé à se promener ou à dessiner …
- Les activités :
- Ecoute musicale et danse
- Sports de ballon, gymnastique
- Atelier dessin
- Jeux de société
- Promenade collective dans le village ou les campements
- Projection de films deux soirs par semaine
- Atelier « réparation » du petit mobilier
- Jardinage et nettoyage du centre
- Etc.
Le travail de l’équipe du centre Victor Houali
C’est une équipe de quinze personnes, dont un infirmier prescripteur qui supervise trois aides-soignants prescripteurs, une aide-soignante pharmacienne, et dix ‘renforts’ qui soutiennent les patients dans leur vie quotidienne, animent les réunions, s’occupent des activités du Kolokota et assurent les gardes de nuit. Leurs jours de présence et les activités sont affichés sur le mur de la grande case de consultation.
Les médicaments psychiatriques : Les médicaments délivrés par les prescripteurs sont des génériques, recommandés par l’OMS, appartenant aux trois classes principales de psychotropes (antipsychotiques, antidépresseurs, antiépileptiques), utilisés à doses assez faibles. La « contention humaine » (entourer le patient avec bienveillance) est préférée à la « camisole chimique ». Les prescripteurs ont été formés depuis des années au maniement simple de ces traitements, qui seraient de peu d’effet sans cet environnement particulier du centre Victor Houali.
Le traitement des neuro-paludismes : Le centre dispose d’un petit laboratoire avec la technique de la Goutte Epaisse, qui permet de déterminer la virulence précise du paludisme et de diagnostiquer et traiter les états délirants aigus causés par une grave crise de paludisme qui peut être non fébrile (presque 6% des patients en 2021)
Le Yakoua (« on se réunit » en Yacouba) : C’est une réunion quotidienne, après le Kwamam, qui rassemble toute l’équipe, tous statuts confondus, pour parler de tous les malades. Chacun apporte son observation, et les décisions sont prises collectivement (adapter un traitement, faire particulièrement attention à un malade fragile, apporter une médiation en cas de conflit entre un patient et son accompagnateur, accompagner au dispensaire médical, etc…)
Les suivis individuels pendant l’hospitalisation et pour la sortie : des membres de l’équipe (référents de leurs patients) reçoivent le patient et sa famille lors de l’entretien d’admission. Les patients sont revus ensuite régulièrement, et les traitements peuvent être ajustés. Dès que le malade va mieux, un projet de sortie est réfléchi en échangeant avec lui et sa famille, en fonction de chaque situation : gravité ou pas des troubles, habitudes de vie avant la maladie, disponibilité de l’entourage, etc. Une attention particulière est apportée à la poursuite du traitement après la sortie, ce qui n’est pas facile du fait du manque de moyens de nombreuses familles, ou de leur lieu d’habitation lointain (mais l’équipe peut les orienter vers l’INSP à Abidjan par exemple).